CNED
: nouvelle organisation et nouveau projet d'établissement sur fond
d'inquiétude des personnels (S. Bergamelli)
Le
directeur général du CNED vient de présenter au cabinet du
ministre de l'Education nationale le "Projet
d’établissement 2012-2015" de transformation technologique.
Serge Bergamelli travaille actuellement à des ajustements
d'organisation structurelle et managériale du Centre national
d'enseignement à distance. ToutEduc lui a demandé quel était le
sens de cette transformation, rendue nécessaire dans une période de
forte inquiétude liée à la baisse importante des inscriptions.
ToutEduc
: Vous lancez un "plan de transformation technologique" du
CNED. Avant de nous en donner le sens, pouvez-vous nous décrire
l'évolution de l'enseignement à distance ces dernières années.
Xavier Darcos n'avait-il pas voulu qu'il devienne "la 31ème
académie" ?
Serge
Bergamelli :
L'AEL ou "académie en ligne " (baptisée pour l’effet
d’annonce : 31e académie) n'est qu'un élément du "plan de
modernisation" qui avait été lancé par Jean-Michel Lacroix,
alors que Xavier Darcos était ministre de l'Education nationale et
mis en oeuvre par mon prédécesseur, Michel Leroy. Il s'agissait de
numériser la totalité des cours, du CP à la terminale, et de les
mettre en accès gratuit sur un site dédié. Mais, beaucoup plus
largement, il fallait répondre à un bouleversement du paysage, lié
à l'apparition de l'internet, et d'une nouvelle demande. L'opérateur
public avait, à l'époque du papier, une situation de quasi
monopole. Ce n'est plus le cas. Des entreprises privées y ont vu des
opportunités de développement sur des marchés comme la préparation
au concours de professeur des écoles. Les universités et le CNAM
ont développé la formation à distance. D'autres éditeurs publics,
qui avaient des contenus, comme la Documentation française, y ont
ajouté des services, un suivi des étudiants, des chats, des forums,
pour la préparation au concours de Sciences po... Et en tant que
service public, nous nous devions de continuer à assurer des
formations qui s'adressent à de très petits nombres d'inscrits,
comme les agrégations de langues rares, qui ne sont pas rentables et
pour lesquelles nous n'avons d'ailleurs pas de concurrents. Nous nous
devons aussi de nous adapter immédiatement à tout changement de
référenciel des programmes. Dans ce contexte en mutation, nos
contraintes sont fortes.
ToutEduc
: Avez-vous perdu beaucoup d'inscrits ?
Serge
Bergamelli :
Nous avions 400 000 inscrits en 2000 ; nous n'en avons plus que 200
000 en 2012, dont 80 000 élèves relevant de la scolarité
obligatoire. Pour le concours de professeur des écoles (CRPE), le
recul est très significatif (-80%). Cette chute des inscrits est dû
non seulement à la réforme de la masterisation, et à la réduction
du nombre des postes (qui a entraîné une diminution de
l'attractivité du concours), mais également, comme je vous le
disais, à une nouvelle forme de concurrence de la part des
universités et du privé. Mais, au-delà de cet exemple, notre
organisation (DG et instituts) ne nous permettait plus de répondre à
l’évolution du paysage technologique. Il était devenu vital pour
la pérennité de notre établissement de se transformer. C'est le
sens de la réforme initiée par mes prédécesseurs. Le CNED était
organisé en 8 instituts distincts, situés à Lyon, Grenoble,
Toulouse, Rouen, Vanves, Lille, Rennes et Poitiers qui avaient chacun
leur autonomie. Il était devenu difficile d’élaborer une
stratégie cohérente et efficace. Ce rôle est revenu à la
direction générale. Et pour professionnaliser nos personnels et
redonner de la puissance aux métiers qui composent le CNED, des
"directions métiers" ont été mises en place.
ToutEduc
: Est-ce à dire qu'un auteur travaillant à Toulouse pouvait
dépendre d'un directeur à Poitiers ?
Serge
Bergamelli :
Plus exactement, les directions métier étaient réparties sur tous
les sites. Des personnes de Toulouse pouvaient dépendre d’une
direction métier unique pour l’ensemble du territoire. Oui. Je
suis convaincu de la pertinence de cette réforme et de nécessaires
adaptations ; il fallait recréer un CNED unique pour assurer son
avenir et espérer retrouver le volume des inscriptions des années
2000. En arrivant, mon diagnostic, établi par la rencontre de
l’ensemble des personnels sur chaque site, a été le suivant : il
manquait un volet ; il fallait rétablir un management de proximité
sur les 8 sites. C'est ce que je suis en train de faire. Je viens
d'installer des directeurs de plein exercice sur les sites de Lyon,
Toulouse, Rennes, Rouen,Poitiers,Grenoble. Suivront Lille et Vanves.
ToutEduc
: Cela suffira-t-il à réduire le malaise des personnels ? Selon nos
informations, le nombre des congés maladie a été multiplié par
2,5 en deux ans sur le site de Poitiers (direction-générale). Votre
DRH est un ancien de France-Télécom, et certains nous ont parlé de
"harcèlement moral", voire de "management par la
peur"...
Serge
Bergamelli :
Venir de France-Télécom n'est pas une marque négative. Ce sont des
fonctionnaires d’Etat qui ont choisi de continuer leur carrière
dans l’Education nationale. Je n'ai pas les chiffres exacts mais je
n'ai pas nié, dès mon arrivée, l'existence d'un malaise. Le
diagnostic est partagé était les organisations syndicales
concernant l'absence d'un manager sur les sites. Il est dû, pour
partie, à ce défaut auquel je suis en train d'apporter une réponse
concrète. Laissez à ces directeurs de site le temps de s'installer,
d’écouter, de comprendre les situations locales pour y apporter
rapidement des solutions appropriées au plus près des attentes du
personnel. Ce malaise est également dû à l'inquiétude que
génèrent le bouleversement de notre environnement, et l'évolution
de la demande des inscrits, qui veulent les services que l'Internet
permet de rendre. Les métiers vont évoluer ; nous allons
accompagner le personnel notamment grâce à la formation.
ToutEduc
: D'où le plan de transformation technologique ?
Serge
Bergamelli :
Oui, c'est ce que nous appelons le "24-24". Le CNED doit se
développer à l'international. Sur tous les fuseaux horaires, nous
devons pouvoir répondre à tous ceux qui sont inscrits où qu’ils
soient. Il est essentiel que nous offrions des formations et des
services en ligne grâce notamment à la mise en place d’un espace
virtuel ouvert à tous : l’ ENT (environnement numérique de
travail). A l’ère du numérique, nous ne pouvons plus opposer
enseignement à distance et formation en présentiel. Je vous en
dirai davantage dès que le Projet d’établissement sera présenté
aux personnels et à leurs représentants. Je leur en laisse la
primeur.
ToutEduc
: Pouvez-vous chiffrer vos objectifs ?
Serge
Bergamelli :
Avec 25 000 inscrits à l'international, nous n'avons pas la place
que nous devrions avoir. Et au total, si nous arrivions à 250 000
inscrits, je serais heureux, ce serait un beau rebond. Un signe fort
pour l’avenir de notre établissement. Une chance pour de nombreux
apprenants qui comptent sur le CNED pour transformer ou relancer leur
avenir professionnel grâce à la formation.
ToutEduc :
La fusion du CNED et du SCEREN-CNDP est régulièrement évoquée.
Savez-vous où en est ce dossier ?
Serge
Bergamelli :
Nos deux établissements sont créateurs et diffuseurs de ressources
pour nos publics, respectivement : les apprenants pour le CNED, les
enseignants pour le CNDP. A l'ère du numérique, il est essentiel de
réfléchir à une mutualisation de nos moyens de production
numérique pour développer notamment des solutions techniques les
plus performantes au service de nos missions respectives. C'est sur
ce dossier que nous collaborons actuellement à la recherche des
synergies les plus pertinentes.
La rédaction de ToutEduc
www.touteduc.fr
Interview de M. Bergamelli sur le site Touteduc
http://www.touteduc.fr/index.php?sv=34&aid=5867